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Surface en marbre
lilaseck

Violanski célébré.

Dernière mise à jour : 24 janv. 2022

Face à la suprématie patriarcale blanche et à l'impunité d'un violeur en fuite – parmi tant d'autres – il ne nous reste que notre colère et notre courage pour résister. Pour quitter et construire un monde nouveau ailleurs.


Voici une petite réponse à celui qui a des choses à redire sur la colère qu'on exprime : Nous ne sommes jamais que raison. Nous ne sommes jamais qu'émotions. Décrédibiliser la rage des victimes, des femmes, des personnes sexisées et des minorités de genre, c'est nier leur capacité à penser. C'est prendre le parti du violeur. Réduire nos propos – parce qu'on en porte bel et bien, que tu ne veux pas entendre – à l'idée que ce ne sont que des réactions impulsives, c'est réifiant et infantilisant. C'est dire que nous ne sommes pas légitimes d'aller ailleurs que dans ton sens. Ça ne fait que confirmer que nous vivons dans un système patriarcal qui ne veut pas que l'on soit libres et égales aux hommes cis hétéros. Pointer du doigt et juger notre colère c'est prendre la défense du violeur. C'est une énième tentative misogyne de nous réduire au silence. C'est choisir de tourner la tête lorsqu'on essaye de te mettre le nez face à ta merde. C'est bas. Bien-sûr que nous sommes en colère. Bien-sûr que nous sommes à vif. Ne pas l'être ce serait s'avouer vaincu.e.s face à la domination de nos oppresseurs. Bien-sûr que nos émotions sont des outils dont on se sert pour lutter contre les injustices. Heureusement, nous savons aussi penser. Et c'est peut-être justement parce que l'on porte en nous des convictions politiques que l'on est tant atteint.e.s. Songe à la violence symbolique de cette cérémonie et ai le culot de revenir nous parler de nos émotions. Songe à la violence concrète que les "forces de l'ordre" (lesquelles me diras-tu ?) ont exercé sur les personnes qui sont allé.e.s manifester dans la rue et viens nous dire que nous ne sommes pas légitimes dans notre colère. Pendant qu'on récompensait Polanski on a gazé les femmes. On a cogné les travailleuses du sexe. Pendant qu'on a couronné le violeur, les féministes étaient mises à mort. Récompenser Polanski, c'est dire aux victimes : « MeToo ça a assez duré, maintenant on remet de l'ordre. Le féminisme et l'égalité ça va deux minutes, mais c'est pas comme ça que ça fonctionne. Vous le savez, on le sait, et on vous le rappelle ». On ne peut pas légitimer à la fois le violeur et la victime. Le monde est fait de nuances, mais il arrive des moments où il faut choisir son camp. Voici quelques articles que je te conseille vivement de lire et d'écouter : Ici la Tribune de Paul Preciado : « La cérémonie des césars était un rituel hétéropatriarcal de restauration mythico-magique du violeur Polanski et d’exclusion et mise à mort de la victime parlante, Adèle Haenel. L’hétéropatriarcat se caractérise par la définition nécropolitique de la souveraineté masculine, c’est-à-dire par l’idée selon laquelle un corps adulte blanc est masculin dans la mesure où il peut légitimement utiliser la violence sexuelle contre tout autre corps marqué comme féminin, non blanc ou enfantin. En ce sens, l’hétéropatriarcat ne considère pas seulement le viol comme une possibilité, mais l’exige, au moins conceptuellement, comme une condition de possibilité pour l’exercice de la souveraineté masculine hétérosexuelle. C’est pourquoi, dans l’ordre hétéropatriarcal, Polanski n’apparaît pas comme un criminel, mais comme une victime de la rébellion féministe. Pauvre Polanski : il se rêve en Dreyfus du mouvement #MeeToo. »

Ici la tribune de Virginie Despentes : « Je vais commencer comme ça : soyez rassurés, les puissants, les boss, les chefs, les gros bonnets : ça fait mal. On a beau le savoir, on a beau vous connaître, on a beau l’avoir pris des dizaines de fois votre gros pouvoir en travers de la gueule, ça fait toujours aussi mal. Tout ce week-end à vous écouter geindre et chialer, vous plaindre de ce qu’on vous oblige à passer vos lois à coups de 49.3 et qu’on ne vous laisse pas célébrer Polanski tranquilles et que ça vous gâche la fête mais derrière vos jérémiades, ne vous en faites pas : on vous entend jouir de ce que vous êtes les vrais patrons, les gros caïds, et le message passe cinq sur cinq : cette notion de consentement, vous ne comptez pas la laisser passer. Où serait le fun d’appartenir au clan des puissants s’il fallait tenir compte du consentement des dominés ? Et je ne suis certainement pas la seule à avoir envie de chialer de rage et d’impuissance depuis votre belle démonstration de force, certainement pas la seule à me sentir salie par le spectacle de votre orgie d’impunité ».

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