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Surface en marbre
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En attendant Méduse...

Dernière mise à jour : 24 janv. 2022

Je sais que vous attendez mon analyse du mythe de La Méduse avec impatience, mais pour l'instant j'ai envie de vous parler d'autre chose ! Comptez toujours sur moi pour vous concocter un écrit au top, j'y tiens toujours autant moi, à ce mythe.

Rien de tel en ce doux jour d'hiver que de lire Le Bus Des Femmes, Prostituées, Histoire D'Une Mobilisation. Ça vient de sortir, vous en avez entendu parler ? Les TDS* du temps de nos grand-mères étaient là et luttaient lorsque l'épidémie du VIH et du SIDA battaient leur plein. Elles étaient là et faisaient valoir leurs droits : des conditions de travail décentes, une reconnaissance sociale, un arrêt de la répression à leur égard etc... Je lis ce livre, l'histoire de leur combat, et c'est mon héritage que je tiens entre les mains. Leurs mots et leur mémoire seront aussi les miennes.

Vous avez déjà insisté pour faire du sexe sans capote ? Vous savez que cette dernière est un moyen de contraception, de prévention et que - par ailleurs - c'est une violence et une agression sexuelle que de retirer le préservatif sans le consentement de sa/son partenaire ? Respectez le consentement, et si vous n'êtes pas content, passez votre chemin.

Vous avez déjà demandé à votre partenaire de faire du sexe sans capote parce que vous êtes négatif.ve au VIH ? Vous savez qu'il existe d'autres IST et que même si elles se soignent facilement et bien, les éviter est tout de même plus confortable.

Votre argument a déjà été celui d'un dépistage fait il y a un mois ? Vous savez qu'on ne peut dépister le VIH qu'après 6 semaines, la plupart des autres IST après 3, et que le test n'est pas valide si entre temps vous avez eu d'autres rapports non-protégés.

Vous croyez que votre hygiène de vie stricte et votre classe sociale moyenne ou supérieure vous éloignent des IST ? Vous savez que cette idée relève d'un stigma classiste et souvent raciste, et que la douche, le savon ou le parfum ne préviennent pas d'une IST.

Vous l'aurez compris, je vous relate ces questions - auxquelles je suis régulièrement confrontée – afin de vous rappeler que l'utilisation de préservatifs est une condition sans appel dans ma pratique du travail sexuel. Ce choix est à la fois personnel : j'ai des responsabilités dans ma vie privée, des personnes qui me font confiance pour faire l'amour sereinement avec elles/eux sans avoir à utiliser de protection. Mais aussi politique : je suis face à un système répressif et stigmatisant, à des conditions de travail et des lois qui me mettent en danger chaque jour. Et par ailleurs j'ai cette chance de choisir comment, quand, où et avec qui je travaille, et je souhaite me servir de ce privilège pour lutter à mon tour. Tenter d'imposer mes choix et mes règles bien que le climat sociopolitique actuel veuille m'en empêcher.

Chaque TDS a ses conditions et tente de les faire respecter, et chacune de ces dernières sont indiscutables. On ne peut pas blâmer une personne qui n'utilise pas ou peu de protections, comme on ne peut pas en refuser à une personne qui les exige.

Si vous me suivez jusque là vous êtes des amours, et je suis heureuse que ce sujet vous préoccupe autant que moi !

Un jour je vous écrirai peut-être quelque chose qui traite spécifiquement de la prévention, mais pour l'instant je veux en venir à une autre question : celle du stigma quant aux IST. En d'autres termes, je veux vous partager mes réflexions sur la sérophobie qui régit notre monde. A la fin de l'article je vais aussi vous parler d'une réalité épuisante qui me touche, en espérant que vous vous sentiez concerné par cette dernière.


Quand je pense sérologie et stigma, voici les trois notions qui me viennent à l'esprit (et il y en a bien d'autres : hygiénisme, classisme, racisme, homophobie, violences LGBTI+...


Alors que les avancées médicales pour soigner les IST sont remarquables, la sérophobie en est toujours au même stade depuis 30 ans. Les personnes séropositives sont isolées, exclues et discriminées. Elles perdent leur travail, on leur refuse des prêts bancaires, des médecins refusent encore de s'occuper de personnes séropositives ou ne respectent pas le secret médical... Trop de monde déclare encore ne pas vouloir de rapports avec des personnes porteuses du VIH. Beaucoup ignorent encore que grâce aux traitements il est possible de ne plus transmettre le VIH même si on est porteur/euse.


Pourquoi tant de désinformation ? A l'école je n'ai eu qu'un cours d'éducation sexuelle. En fait il s'agissait juste d'une personne qui est venue nous dire de nous protéger à tout prix, en nous expliquant que le « SIDA » nous pendait au nez et qu'on mourrait si on ne faisait pas attention. Le tout sur un ton très moralisateur en ce qui concerne le simple fait d'avoir une activité sexuelle. On vit encore dans une société qui considère le sexe comme étant sale et impur. En particulier si on est une personne sexisée et qu'on assume une vie sexuelle remplie et épanouie... Il me paraît urgent de dédiaboliser nos sexualités, et avec elles les IST. De la même façon qu'on ne diabolise pas une épidémie de gastro au collège !


Historiquement et intrinsèquement, la peur et la haine des infections sexuellement transmissibles sont racistes et homophobes. Vous me direz, il est tellement simple de se servir de populations déjà minorisées comme de cautions à la stigmatisation. Pourtant nous ne pouvons pas séparer les sexualités, d'hétéro à homo en passant par la bisexualité, il est absurde de vouloir faire porter le chapeau à une catégorie de personne pour quelque chose de propre à la plupart de la population: la sexualité. Nous ne pouvons que constater que cette dernière est impossible à cloisonner et que n'importe qui peut faire face aux IST. La solution n'est pas de jeter la faute sur les personnes qui subissent déjà des discriminations systémiques, ça ne sera certainement pas productif, au contraire. Stigmatiser c'est désinformer et aggraver la situation.


Il n'est pas honteux d'avoir une IST, peu importe de laquelle il s'agit, vous n'êtes pas coupables ! Par exemple, les papillomavirus pénètrent nos corps même si on se protège. Eh oui ! Ces virus sont minuscules et peuvent même être présents sur les cuisses. Ils sont persistants donc même les préservatifs ne protègent pas des PVH. Il existe des vaccins contre les formes "agressives" de ces virus, et pour le reste, ils sont bénins, souvent asymptomatiques et disparaissent d'eux-mêmes. Il n'est pas honteux de se faire dépister, de parler de sérologie avec ses partenaires. C'est important de ne pas ignorer cette réalité, mais de l'accueillir comme faisant partie intégrante de sa sexualité. C'est aussi ça la prévention ! Mycose, chlamydia, papillomavirus, gonocoque, syphilis, VIH, hépatites. Oui ça existe, comme une infinité d'autres pathologies, mais pas de panique ! Si notre volonté est de contrôler, connaître et soigner ces infections, le rejet, le déni, l'obscurantisme, la peur sont à exclure. Quoi qu'il en soit, la charge de la prévention revient à toute personne ayant une vie sexuelle.


Ce dernier message s'adresse particulièrement aux personnes qui ont déjà fait des promesses non tenues, aux personnes qui auraient dû être présentes pour leur partenaire et qui ne l'ont pas été : Partager du sexe c'est avoir une relation. Relation uniquement sexuelle ou plus, peu importe. Quoi qu'il en soit, une relation requiert de faire confiance et de respecter l'autre. Vous êtes tenus d'être fiables. C'est un accompagnement mutuel. Une relation est une responsabilité qui n'est pas anodine, peu importe le cadre. Je n'ai jamais entendu quelqu'un dire « j'aime les relations qui vont à sens unique ». Pourtant je remarque que lorsqu'un événement inattendu et contraignant survient, il revient systématiquement aux mêmes personnes d'être responsables. Responsables d'aller prendre la pilule du lendemain et de faire face aux jugements des pharmaciens. Responsables de surveiller que la capote soit en place pendant l'acte, avec assez de discrétion pour que l'autre prenne quand même son pied, parce que "ah mais c'est pas sexy la capote". Responsables d'affronter seules le stress de l'attente des résultats de dépistage si la capote n'est pas restée en place. Responsables de faire confiance à des personnes qui ne la méritent pas. Responsables de faire jouir l'autre sens penser à son propre plaisir. Responsables de porter la charge mentale pour deux.

Nous les TDS, vous accompagnons dans votre vie sexuelle, prenons soin de votre bien-être, vous offrons un soutien émotionnel et psychologique. Nous les TDS pansons vos chagrins et votre solitude, vous faisons rire et frémir. Vous les clients, prenez de la place dans nos vies et dans nos esprits et il serait de bon ton de nous rendre la pareille si nécessaire.

J'aimerais dire que le moment est venu que tout le monde soit honnête et prenne ses responsabilités. Il est plus que temps que ces charges mentales ne reviennent plus qu'aux mêmes personnes. C'est beau et valorisant de se dire dans une société évoluée, féministe et pleine de valeurs d'égalités, mais il s'agit aujourd'hui de mettre tous ces mots en actes. Que l'hypocrisie cesse.

Chers clients, la pédagogie qu'on vous fait c'est du bénévolat. Faire appel à nos services et à nos prestations, nous soutenir et nous suivre, ça implique aussi être capables de mettre en pratique les comportements respectueux dont on vous parle sans cesse et qu'on attend des personnes qui nous estiment vraiment. Nos articles ne sont pas là pour faire jolis, il ne s'agit pas d'une image publique. Ce qu'on vous transmet c'est nos vécus, nos préoccupations, nos victoires. Prouvez-nous que cette énergie que nous prenons pour vous - pour améliorer nos relations - n'est pas de l'énergie gâchée.

Par ces mots quelques peu incisifs mais pleins d'affection et d'espoir, j'espère que nous tendons ensembles vers le meilleur.

*TDS : travailleuse/travailleur du sexe.



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